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Si elle entendait
Blake Pierce


Un mystГЁre Kate Wise #7
« Un chef-d’œuvre de thriller et de mystère. Blake Pierce est parvenu à créer des caractères avec un côté psychologique tellement bien décrit, que nous avons l’impression de pouvoir pénétrer leur esprit, suivre le cheminement de leurs pensées et nous réjouir de leurs réussites. Plein de rebondissements, ce livre vous tiendra en haleine jusqu’à la dernière page. »

–-Critiques de livres et de films, Roberto Mattos (re Sans Laisser de Traces)



SI ELLE ENTENDAIT (Un mystère Kate Wise) est le volume 7 d’une nouvelle série thriller psychologique par Blake Pierce, l’auteur à succès de Une fois partie (volume 1) (téléchargement gratuit), un bestseller nº1 ayant reçu plus de 1 000 critiques à cinq étoiles.



Deux adolescentes, rentrées chez elles de l’université pour les vacances d’hiver, sont retrouvées assassinées dans leur ville natale. Il y a visiblement un tueur en série qui se déchaîne et le FBI est perplexe – mais est-ce que l’agent Kate Wise, cinquante-six ans, qui se remet encore de son accouchement, pourra entrer dans cet esprit tordu et l’arrêter avant qu’une autre fille soit assassinée ?



Un thriller riche en action avec un suspense qui vous tiendra en haleine, SI ELLE ENTENDAIT est le volume 7 d’une fascinante nouvelle série qui vous fera tourner les pages jusqu’à des heures tardives de la nuit.



Le volume 8 dans la sГ©rie MYSTГ€RE KATE WISE sera bientГґt disponible.





Blake Pierce

SI ELLE ENTENDAIT




si elle entendait




(un mystère kate wise—volume 7)




b l a k eВ В  p i e r c e



Blake Pierce

Blake Pierce est l’auteur de la série à succès mystère RILEY PAIGE, qui comprend dix-sept volumes. Black Pierce est également l’auteur de la série mystère MACKENZIE WHITE, comprenant treize volumes (pour l’instant) ; de la série mystère AVERY BLACK, comprenant six volumes ; de la série mystère KERI LOCKE, comprenant cinq volumes ; de la série mystère MAKING OF RILEY PAIGE, comprenant six volumes ; de la série mystère KATE WISE, comprenant sept volumes ; de la série mystère suspense psychologique CHLOE FINE, comprenant six volumes ; de la série thriller suspense psychologique JESSE HUNT, comprenant sept volumes (pour l’instant) ; de la série thriller suspense psychologique AU PAIR, comprenant deux volumes (pour l’instant) ; de la série mystère ZOÉ PRIME, comprenant trois volumes (pour l’instant) ; et de la nouvelle série mystère ADÈLE SHARP.



Lecteur avide et admirateur de longue date des genres mystère et thriller, Blake aimerait connaître votre avis. N’hésitez pas à consulter son site www.blakepierceauthor.com (http://www.blakepierceauthor.com/) afin d’en apprendre davantage et rester en contact.



Copyright В© 2020 par Blake Pierce. Tous droits rГ©servГ©s. Sous rГ©serve de la loi amГ©ricaine sur les droits d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut ГЄtre reproduite, distribuГ©e ou transmise sous quelque forme ou par quelque procГ©dГ© que ce soit, ni enregistrГ©e dans une base de donnГ©es ou un systГЁme de rГ©cupГ©ration, sans l'accord prГ©alable de l'auteur. Ce livre Г©lectronique est sous licence pour usage personnel uniquement. Ce livre Г©lectronique ne peut ГЄtre ni revendu, ni donnГ© Г  d'autres personnes. Si vous dГ©sirez partager ce livre avec quelqu'un, veuillez acheter une copie supplГ©mentaire pour chaque bГ©nГ©ficiaire. Si vous lisez ce livre et que vous ne l'avez pas achetГ©, ou qu'il n'a pas Г©tГ© achetГ© pour votre usage personnel uniquement, veuillez le rendre et acheter votre propre copie. Merci de respecter le travail de cet auteur. Il s'agit d'une Е“uvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les endroits, les Г©vГ©nements et les incidents sont soit le produit de l'imagination de l'auteur, soit utilisГ©s de maniГЁre fictive. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existГ© est purement fortuite. Image de couverture Copyright Lukiyanova andreiuc88, utilisГ© sous licence de Shutterstock.com.



LIVRES PAR BLAKE PIERCE

LES MYSTГ€RES DE ADГ€LE SHARP

LAISSГ€ POUR MORT (Volume 1)

CONDAMNГ€ ГЂ FUIR (Volume 2)

CONDAMNГ€ ГЂ SE CACHER (Volume 3)



LA FILLE AU PAIR

PRESQUE DISPARUE (Livre 1)

PRESQUE PERDUE (Livre 2)

PRESQUE MORTE (Livre 3)



LES MYSTГ€RES DE ZOE PRIME

LE VISAGE DE LA MORT (Tome 1)

LE VISAGE DU MEURTRE (Tome 2)

LE VISAGE DE LA PEUR (Tome 3)



SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE JESSIE HUNT

LA FEMME PARFAITE (Volume 1)

LE QUARTIER IDÉAL (Volume 2)

LA MAISON IDÉALE (Volume 3)

LE SOURIRE IDÉALE (Volume 4)

LE MENSONGE IDÉALE (Volume 5)

LE LOOK IDEAL (Volume 6)



SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE CHLOE FINE

LA MAISON D’À CÔTÉ (Volume 1)

LE MENSONGE D’UN VOISIN (Volume 2)

VOIE SANS ISSUE (Volume 3)

LE VOISIN SILENCIEUX (Volume 4)

DE RETOUR ГЂ LA MAISON (Volume 5)

VITRES TEINTÉES (Volume 6)



SÉRIE MYSTÈRE KATE WISE

SI ELLE SAVAIT (Volume 1)

SI ELLE VOYAIT (Volume 2)

SI ELLE COURAIT (Volume 3)

SI ELLE SE CACHAIT (Volume 4)

SI ELLE S’ENFUYAIT (Volume 5)

SI ELLE CRAIGNAIT (Volume 6)

SI ELLE ENTENDAIT (Volume 7)



LES ORIGINES DE RILEY PAIGE

SOUS SURVEILLANCE (Tome 1)

ATTENDRE (Tome 2)

PIEGE MORTEL (Tome 3)

ESCAPADE MEURTRIERE (Tome 4)

LA TRAQUE (Tome 5)



LES ENQUГЉTES DE RILEY PAIGE

SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)

RÉACTION EN CHAÎNE (Tome 2)

LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)

LES PENDULES À L’HEURE (Tome 4)

QUI VA ГЂ LA CHASSE (Tome 5)

À VOTRE SANTÉ (Tome 6)

DE SAC ET DE CORDE (Tome 7)

UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8)

SANS COUP FÉRIR (Tome 9)

ГЂ TOUT JAMAIS (Tome 10)

LE GRAIN DE SABLE (Tome 11)

LE TRAIN EN MARCHE (Tome 12)

PIÉGÉE (Tome 13)

LE RÉVEIL (Tome 14)

BANNI (Tome 15)

MANQUE (Tome 16)

CHOISI (Tome 17)



UNE NOUVELLE DE LA SÉRIE RILEY PAIGE

RÉSOLU



SÉRIE MYSTÈRE MACKENZIE WHITE

AVANT QU’IL NE TUE (Volume 1)

AVANT QU’IL NE VOIE (Volume 2)

AVANT QU’IL NE CONVOITE (Volume 3)

AVANT QU’IL NE PRENNE (Volume 4)

AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Volume 5)

AVANT QU’IL NE RESSENTE (Volume 6)

AVANT QU’IL NE PÈCHE (Volume 7)

AVANT QU’IL NE CHASSE (Volume 8)

AVANT QU’IL NE TRAQUE (Volume 9)

AVANT QU’IL NE LANGUISSE (Volume 10)

AVANT QU’IL NE FAILLISSE (Volume 11)

AVANT QU’IL NE JALOUSE (Volume 12)

AVANT QU’IL NE HARCÈLE (Volume 13)



LES ENQUÊTES D’AVERY BLACK

RAISON DE TUER (Tome 1)

RAISON DE COURIR (Tome2)

RAISON DE SE CACHER (Tome 3)

RAISON DE CRAINDRE (Tome 4)

RAISON DE SAUVER (Tome 5)

RAISON DE REDOUTER (Tome 6)



LES ENQUETES DE KERI LOCKE

UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (Tome 1)

DE MAUVAIS AUGURE (Tome 2)

L’OMBRE DU MAL (Tome 3)

JEUX MACABRES (Tome 4)

LUEUR D’ESPOIR (Tome 5)




CHAPITRE UN


Avant même que le bébé soit né, Kate avait été surnommée la Mère miracle. Quand elle avait appris qu’elle allait avoir un enfant à cinquante-sept ans, Kate n’en avait parlé qu’à Allen et à Mélissa. Elle n’en avait pas parlé au boulot. Ni à DeMarco, ni à Duran… à personne. Mais la nouvelle s’était quand même propagée. À cinq mois de grossesse, tout le FBI était au courant et elle avait commencé à recevoir de nombreux appels de journalistes.

Bizarrement, au moment où le médecin vérifiait la dilatation de son col, elle repensa à la première journaliste qui l’avait appelée. Kate avait trouvé un peu ridicule que la nouvelle de sa grossesse fasse les gros titres. Mais comme les médecins le lui avaient dit et comme elle avait pu le vérifier sur Google, il était très rare pour une femme de plus de cinquante ans de tomber enceinte – et encore plus rare que la grossesse aille jusqu’à son terme.

Et pourtant… elle avait perdu les eaux huit heures plus tôt, son col était dilaté de huit centimètres et son médecin venait de lui annoncer que le moment était venu.

La première journaliste qui l’avait appelée travaillait pour le magazine Maman et Bébé. Kate avait uniquement répondu à son appel pour ne pas être impolie. Elles s’étaient parlé à deux reprises par téléphone. La deuxième conversation avait été plus centrée sur la faculté de Kate à maintenir une seconde carrière au sein du FBI. La journaliste s’était adressée à Kate comme si elle était une sorte de superwoman. Kate ne savait pas pourquoi, mais il y avait eu quelque chose dans cette interview qui l’avait chipotée tout au long de sa grossesse.

Parce que personne ne devrait me considérer comme un exemple, pensa Kate, alors qu’une contraction douloureuse lui traversait le corps. C’est une véritable torture.

Elle ne se rappelait pas qu’avec Mélissa, ça ait été aussi difficile. Bien sûr, ça remontait à presque trente ans. Ça avait été une grossesse prévue et aucun journaliste ne l’avait appelée. Sa grossesse n’était pas passée au journal du soir et on ne lui avait donné aucun surnom, comme celui de Mère miracle.

« Kate ? » dit le médecin. Sa voix interrompit le cheminement de ses pensées et elle se concentra sur la douleur de la prochaine contraction. « Tu es toujours là ? »

« Oui, oui. »

C’était vrai, bien que tout autour d’elle lui semblait flou. Sa grossesse avait été à risque. Quelques préoccupations avaient surgi dès le quatrième mois. Il y avait un risque que le bébé ait un faible poids à la naissance et il y eut également un moment où les battements de son cœur avaient considérablement ralenti. Mais finalement, il était bien là. Il arrivait trois semaines à l’avance et avec un poids de seulement cinq cents grammes en-dessous du poids considéré comme normal.

« Il arrive, Kate. Il va falloir que tu pousses, OK ? Pousse une dernière fois et ton petit garçon sera… »

Kate poussa et la pièce se mit à tourner autour d’elle. Elle était vaguement consciente de la présence d’Allen à ses côtés. Il lui tenait la main et son visage était juste à côté du sien. Il l’encourageait du mieux qu’il pouvait. Kate laissa échapper un gémissement, en faisant tout son possible pour ne pas hurler. Sa vue se brouilla, juste au moment où elle entendit le premier hurlement de son fils.

Elle sentit le médecin poser le bébé sur sa poitrine. Elle le prit dans ses bras et se mit à pleurer. Elle n’aimait pas du tout le mot miracle, car il avait été utilisé à tort et à travers ces derniers mois. Mais en sentant son bébé contre son corps de près de soixante ans, elle supposait qu’il n’y avait pas vraiment d’autre mot… c’était bien un miracle.

Ce fut sur cette pensée agréable qu’elle sentit l’épuisement l’envahir et sa vision se troubler peu à peu, avant de sombrer dans un sommeil profond.


***

Au cours des semaines qui avaient suivi, Kate avait plongé dans une profonde dépression. Maintenant que son fils était là – ils l’avaient appelé Michael, comme son mari décédé – elle commençait à se rendre compte des nombreux inconvénients liés au fait d’être mère à cinquante-sept ans. Tout d’abord, il fallait qu’elle accepte le fait qu’elle était devenue mère et grand-mère au cours des dix-huit mois qui venaient de s’écouler. Il y avait aussi le fait qu’elle aurait près de quatre-vingts ans lorsque son fils commencerait à faire ses études. Et en pensant à l’université, elle se rendit compte que ça impliquerait des frais. Elle avait suffisamment d’argent épargné, mais elle avait fait d’autres projets – elle avait plutôt pensé qu’elle l’utiliserait pour voyager. Mais maintenant, ces projets allaient devoir changer.

Elle se demandait également comment Allen allait gérer tout ça. Jusqu’à présent, il avait été génial. Il l’avait vraiment soutenue tout au long de la grossesse et il avait eu l’air vraiment heureux de devenir père. Mais maintenant, leur fils était là et il changeait leurs vies… surtout celle d’Allen. Après sa naissance, Michael avait dû rester trois semaines à l’hôpital au service de néonat, jusqu’à ce qu’il ait pris un peu de poids. Kate n’avait pas pu le voir souvent, car il lui avait fallu plus de temps que prévu pour se remettre de l’accouchement. Son nerf fémoral avait été touché et elle perdait parfois toute sensation dans ses jambes. Mais elle avait fini par pouvoir sortir de l’hôpital après onze jours.

Vingt jours après sa naissance, Michael put également rentrer à la maison. Il pesait deux kilos quatre cents cinquante quand Kate le coucha pour la première fois dans son berceau. Pendant les deux jours qui suivirent, Kate se comporta comme une mère obsessive. Quand il dormait, elle allait vérifier toutes les demi-heures s’il respirait toujours. Elle gardait Allen à l’œil quand il tenait leur fils dans ses bras et elle n’avait même pas laissé Mélissa s’approcher de lui.

Ces deux jours l’avaient complètement épuisée et c’était sûrement pour ça qu’elle avait fini par sombrer dans une dépression. Elle resta couchée dans son lit pendant huit jours, en ne se levant que pour aller à la toilette ou pour prendre une douche. Pendant ce temps-là, Allen s’était retrouvé seul avec Michael et une nuit, Kate l’avait entendu sangloter.

Le huitième jour, ce fut Mélissa qui parvint à la convaincre à se lever de son lit. Ce jour-là, Kate entendit frapper à la porte de sa chambre et elle répondit d’une voix endormie, en supposant que c’était Allen : « Oui, entre. »

Quand elle vit que c’était Mélissa, elle eut envie de pleurer, mais sans vraiment savoir pourquoi. Elle se redressa sur son coude, mais elle sentit une vive douleur en le faisant. Rester couchée au lit l’avait complètement endolorie.

« Lissa, » dit-elle. « Quelle bonne surprise. »

Mélissa s’assit au bord du lit et prit la main de sa mère. « Comment tu vas, maman ? »

« Je ne sais pas, » répondit-elle. « Fatiguée. Épuisée. Déprimée. »

« Tu as encore des problèmes avec tes jambes ? »

« Non. On dirait que ça va mieux depuis que je suis rentrée à la maison. »

« Tant mieux. Ce sera plus facile pour moi de te dire ce que je suis venue te dire, en sachant que tes jambes ne te posent plus de problèmes. »

« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda Kate.

« Je t’aime, maman. Mais il est temps que tu sortes de ce lit. »

« J’aimerais bien… vraiment. Mais je… »

« Non, maman. Allen n’a pas arrêté toute la semaine. J’ai essayé de l’aider du mieux que j’ai pu, mais il ne me laisse pas faire grand-chose car il a un peu peur de ta réaction. Écoute… je sais que ça t’effraie, mais il faut que tu affrontes la situation. Tu as cinquante-sept ans et tu viens d’avoir un bébé. Et tu as survécu. Maintenant, c’est le moment d’être une mère. Et je peux te dire que tu es plutôt bonne dans ce rôle-là, et je sais de quoi je parle. »

Kate s’assit et regarda sa fille d’un air préoccupé. « Allen… est-ce qu’il va bien ? »

« Non. Il est épuisé et il a peur que tu t’enfonces de plus en plus dans la dépression. Mais je lui ai dit qu’il s’enlève tout de suite cette idée de la tête. Que tu étais une vraie rock star. Il m’a raconté comment tu avais traversé ces mois de grossesse. Et j’ai vu l’énergie dont tu étais capable au moment de reprendre ta carrière au FBI là où tu l’avais laissée. Tu y es parvenue… alors tu arriveras également à faire face à ce nouveau défi dans ta vie. Tu étais excitée à l’idée de reprendre du service en tant qu’agent à l’âge de cinquante-cinq ans. Alors il est maintenant temps d’être enthousiaste à l’idée d’être mère à cinquante-sept. »

Kate hocha la tГЄte et elle sentit les larmes couler sur ses joues.

« Il y a juste une chose qu’il faut que je te demande, » dit Mélissa.

« Quoi ? »

« Si tu as besoin que je t’explique comment on fait les bébés, dis-le-moi. Je pensais qu’à ton âge, tu serais au courant. »

Kate éclata de rire. Elle en eut mal aux côtes, au ventre et à la tête, mais ça faisait vraiment du bien. Mélissa se mit à rire, en prenant la main de Kate dans la sienne. « Vraiment, je suis sérieuse. Ma fille est plus âgée que son oncle, tu sais ? »

Kate continua à rire et s’appuya contre sa fille. Elles s’embrassèrent et restèrent longtemps dans les bras l’une de l’autre. Tellement longtemps que Kate ne savait plus vraiment à quel moment les rires s’étaient arrêtés et les pleurs avaient commencé.

Mélissa aida Kate à sortir du lit. Elle l’accompagna jusqu’à la douche et elle alla préparer un thé pendant que sa mère se lavait. Le fait de prendre une douche lui fit vraiment du bien. Mais Kate fut étonnée de se rendre compte combien l’effort l’avait épuisée. Elle se sentit à moitié invalide, en luttant pour essayer d’enfiler ses vêtements.

Alors qu’elle essayait de passer le bras dans un t-shirt, Mélissa entra dans la pièce et vint l’aider. « Je ne me rappelle pas t’avoir jamais aidée à t’habiller, » dit Mélissa. « Heureusement que j’ai eu Michelle pour m’entraîner. Je parie qu’elle n’aurait jamais imaginé que sa grand-mère puisse avoir besoin d’aide pour s’habiller. »

« Tu as toujours été aussi effrontée ? » demanda Kate.

« Oui, toujours. »

Elles sortirent de la chambre à coucher et entrèrent dans le salon. Kate regarda autour d’elle, étonnée de voir combien l’endroit était propre et rangé. « Où sont Allen et Michael ? » demanda-t-elle.

« Allen est sorti fait une ballade avec Michael autour du pâté de maisons. Il fait ça deux fois par jour. »

« Mon dieu, j’ai été aussi déconnectée que ça ? »

« Oui, tu l’as été. » Mélissa prit la bouilloire sur la cuisinière et versa l’eau chaude dans deux tasses avec du thé. « Maman… tu vas y arriver ? »

« Oui, je pense que je vais finir par y arriver. Je me sens juste dépassée par les événements. Et l’accouchement m’a vraiment épuisée. »

« J’ai cru que j’allais mourir quand j’ai accouché de Michelle. Je ne veux même pas imaginer accoucher à ton âge. » Elle sourit et ajouta : « Ma petite vieille. »

« Tu sais, » dit Kate, « quelque part, ce n’était pas plus mal de ne plus t’avoir tout le temps dans mes pieds. »

Cette fois-ci, ce fut Mélissa qui éclata de rire. Kate ne se rappelait pas à quand remontait la dernière fois qu’elle avait entendu Mélissa rire aussi fort et ça lui réchauffa le cœur.

Et elle se demanda s’il y avait d’autres choses qu’elle avait ratées ou qu’elle avait considérées comme acquises.


***

Le directeur Duran garda ses distances dans les mois qui suivirent. Il lui envoya une carte et un cadeau une semaine après la naissance de Michael, mais il ne l’appela pas une seule fois. Kate appréciait le geste mais elle commençait à se rendre compte que son avenir avec le FBI était plutôt compromis. Avoir un bébé à cinquante-sept ans signifiait probablement que sa seconde carrière allait toucher à sa fin.

D’un autre côté, elle ne pouvait s’empêcher de se demander si le FBI n’était pas content de toute cette publicité gratuite. Une publicité plutôt positive et exaltante pour une fois.

Elle aurait aimé ne plus se poser de questions, mais elle n’y parvenait pas. À chaque jour qui passait, elle aimait de plus en plus son fils. Mais ça ne l’avait pas empêchée de lui en vouloir de temps en temps, bien que ça n’ait jamais duré longtemps. Après tout, Mélissa avait raison. S’ils avaient été un peu plus prudents au moment de leurs rapports sexuels, elle ne serait pas dans cette situation. Mais en même temps, c’était bizarre de devoir faire attention de ne pas tomber enceinte à plus de cinquante-cinq ans.

Trois mois après que Mélissa l’ait convaincue de sortir de son lit, Kate commençait à visualiser ce qu’allait être sa vie à partir de maintenant. Une vie plus domestique et centrée sur la maternité. Elle allait également devoir réapprendre à faire confiance à un homme, en lui confiant non seulement sa vie, mais aussi celle de leur fils.

Et finalement, ce n’était pas plus mal. Il y avait des tas de grand-mères qui adoreraient être à nouveau mères. Et elle, elle avait cette chance.

Allen avait également l’air de s’y faire. Ils n’avaient pas encore parlé de la manière dont ils allaient passer les prochaines années, s’ils allaient se marier ou comment ils envisageaient d’éduquer leur fils. Allen avait toujours l’air aussi amoureux d’elle et il était complètement dingue de son fils, mais il avait souvent l’air préoccupé. Comme s’il avait peur que quelque chose lui tombe soudain sur la tête.

Elle ne savait pas ce qui le préoccupait jusqu’à ce que le téléphone de Kate sonne un mercredi après-midi. Kate était assisse dans le divan avec Michael. Allen prit son téléphone qui était posé sur la table de la cuisine et le lui apporta. Ce faisant, il jeta un coup d’œil au nom qui s’affichait à l’écran. Ce n’était pas pour l’espionner, mais ils étaient tellement à l’aise l’un avec l’autre que c’était quelque chose qu’ils faisaient sans même s’en rendre compte.

Mais quand il lui tendit le téléphone, il avait l’air triste. Il prit Michael dans ses bras. Elle jeta un rapide coup d’œil au nom qui s’affichait à l’écran au moment de décrocher.

C’était Duran.

Kate et Allen se regardèrent un moment dans les yeux et elle comprit d’où venait sa préoccupation.

Son cЕ“ur se mit Г  battre plus vite au moment oГ№ elle dГ©crocha.

Allen alla dans la cuisine, avec la sensation de plus en plus imminente que quelque chose Г©tait vraiment sur le point de lui tomber dessus.




CHAPITRE DEUX


Sandra Peterson se réveilla un quart d’heure avant la sonnerie de son réveil. Ça faisait deux ans qu’elle se réveillait tous les jours à la même heure, à 6h30. Elle avait toujours été une bonne dormeuse et elle dormait minimum huit heures par jour. Ça ne lui arrivait jamais de se réveiller avant son alarme. Mais ce matin, elle était vraiment excitée par la journée qui l’attendait. Kayla était à la maison. Elle était venue lui rendre visite depuis l’université et elles allaient passer toute la journée ensemble.

C’était la première fois qu’elles passaient plus d’une demi-journée ensemble depuis que Kayla avait commencé ses études l’année dernière. Elle était rentrée à la maison parce qu’une de ses amies d’enfance allait se marier. Kayla avait grandi à Harper Hills, en Caroline du Nord, une petite ville de campagne à une trentaine de kilomètres de Charlotte. Elle avait choisi de faire ses études dans une université en Floride et du coup, elles ne passaient plus beaucoup de temps ensemble. La dernière fois qu’elles s’étaient vues, c’était à Noël, et ça remontait à presque un an. Elles n’avaient passé qu’une dizaine d’heures ensemble, avant que Kayla parte pour le Tennessee, pour rendre visite à son père.

Kayla n’avait pas été affectée par leur divorce. Sandra s’était séparée de son mari quand Kayla avait onze ans et ça n’avait jamais eu l’air de la déranger. C’était sûrement pour ça que Kayla essayait de ne pas faire de favoritisme. Quand elle rendait visite à l’un d’entre eux, elle faisait toujours la route pour aller voir l’autre. Et étant donné que c’était un long voyage – depuis Tallahassee jusqu’à Nashville, en passant par Harper Hills – Kayla ne venait pas très souvent.

Sandra sortit de sa chambre en pyjama et en pantoufles. Elle traversa le couloir en direction de la cuisine, en passant devant la chambre de Kayla. Elle ne s’attendait pas à ce que sa fille se réveille avant huit heures du matin et ce n’était pas plus mal. Elle aurait le temps de préparer du café et un petit-déjeuner pour quand elle se lèverait.

Et c’est ce qu’elle fit. Elle prépara une omelette, du bacon et une dizaine de pancakes. Une odeur agréable de nourriture flottait dans la cuisine et Sandra fut surprise que ça ne réveille pas Kayla. En même temps, il n’était que sept heures du matin. Sandra repensa à toutes ces années où l’odeur du petit-déjeuner avait réveillé sa fille, surtout pendant les années de lycée. Mais apparemment, l’odeur de sa cuisine n’avait plus le même effet sur sa fille.

En même temps, Kayla était sortie avec ses amis hier soir – et elle n’avait plus vu certains d’entre eux depuis le lycée. Vu que Kayla était maintenant à l’université, Sandra n’avait pas voulu lui donner d’heure pour rentrer. Elle s’était contentée de lui dire : Reviens entière et sobre, de préférence.

Mais il était maintenant près de huit heures du matin et Kayla n’était toujours pas sortie de sa chambre, alors Sandra commença à se préoccuper. Mais plutôt que de frapper à sa porte et de risquer de la réveiller, Sandra regarda par la fenêtre du salon. Elle vit la voiture de Kayla garée dans l’allée, juste derrière la sienne.

Soulagée, Sandra retourna préparer le petit-déjeuner. Quand elle eut terminé, il était 7h55. Sandra n’aimait pas du tout l’idée de réveiller sa fille, mais c’était plus fort qu’elle. Après le petit-déjeuner, peut-être que Kayla pourrait refaire une sieste et se reposer avant qu’elles partent faire du shopping à Charlotte. De plus… l’omelette allait refroidir et Kayla n’avait jamais aimé les œufs froids.

Sandra traversa le couloir jusqu’à la chambre de Kayla. C’était une sensation agréable et presque surréelle. Combien de fois avait-elle frappé à cette porte ? Des milliers de fois, sûrement. Et ça lui faisait chaud au cœur de pouvoir le faire à nouveau.

Elle frappa et attendit un instant, avant de dire d’une voix douce. « Kayla, chérie ? Le petit-déjeuner est prêt. »

Il n’y eut aucune réponse. Sandra fronça les sourcils. Elle n’était pas naïve au point de penser que Kayla et ses amis n’avaient pas bu d’alcool hier soir. Elle n’avait jamais vu sa fille saoule et elle préférerait ne pas le voir. Peut-être que Kayla avait la gueule de bois et qu’elle n’était pas prête à voir sa mère.

« J’ai fait du café, » ajouta Sandra, en espérant que ça puisse aider.

Toujours pas de réponse. Elle frappa à nouveau, mais plus fort cette fois-ci, avant d’ouvrir la porte.

Le lit n’était pas défait et il n’y avait aucune trace de Kayla.

Mais ça n’a pas de sens, pensa Sandra. Sa voiture est garée devant la maison.

Puis elle se rappela sa propre adolescence et la fois où elle était rentrée chez elle en voiture complètement saoule. Elle était arrivée jusqu’à la maison mais elle s’était endormie dans sa voiture, dans l’allée. Elle avait du mal à imaginer que Kayla puisse faire une telle chose, mais il n’y avait pas trente-six mille autres possibilités.

Sandra referma la porte de la chambre et retraversa la cuisine. Elle sentit une boule dans le ventre. Peut-être que Kayla avait des problèmes d’alcool ou de drogue et qu’elle n’avait pas osé lui en parler.

Sandra rassembla son courage à l’idée d’avoir une telle conversation et elle ouvrit la porte d’entrée. Elle fit un pas sur le porche et se figea. Sa jambe gauche resta en suspens dans l’air, comme si elle refusait d’avancer.

Parce que si elle avançait, elle entrait dans un tout autre univers – un univers où ce qui se trouvait devant elle allait devoir être affronté et accepté.

Kayla gisait sur le porche. Elle était couchée sur le dos et elle avait les yeux grands ouvert. Il y avait des marques d’abrasion autour de son cou. Elle ne bougeait pas.

Sandra finit par faire un pas en avant. Quand elle le fit, le reste de son corps suivit. Elle s’écroula à côté du corps de sa fille, en oubliant totalement le petit-déjeuner et le shopping.




CHAPITRE TROIS


Les réunions avec le directeur Duran n’avaient jamais été faciles. Mais il s’était toujours bien comporté avec Kate et elle le considérait comme un ami. Cependant, vu la manière dont la vie de Kate avait changé au cours de ces derniers mois, elle s’attendait à une réunion un peu tendue –peut-être même qu’il allait mettre un point final à sa carrière en tant qu’agent du FBI.

Quand elle entra dans son bureau, il l’accueillit avec ce sourire pragmatique qu’elle lui connaissait si bien. Duran avait plus ou moins le même âge qu’elle et ils avaient appris à s’apprécier mutuellement.

« Salut, Kate, entre, assieds-toi. »

Elle fut tout de suite inquiète en l’entendant l’appeler par son prénom. C’était très familier et ce n’était pas dans ses habitudes, à moins que ce soit après les heures de travail ou que la conversation soit un peu animée.

« Kate, hein ? » dit-elle. Elle était plutôt à l’aise en sa présence et elle fit cette remarque sur le ton de la plaisanterie, histoire de lui signaler qu’elle avait bien remarqué le ton informel qu’il avait utilisé.

« Eh bien, officiellement, tu es toujours en congé de maternité, » dit-il. « Ce serait bizarre de t’appeler agent. Mais comme tu peux l’imaginer, c’est aussi l’une des raisons pour laquelle je voulais te parler. » Il laissa échapper un soupir et la regarda droit dans les yeux. « Comment vas-tu, Kate ? »

« Bien. Mais un peu perdue… »

« Tu as l’impression d’être cette mère miracle ? »

« Apparemment, je suis entrée dans le club des célébrités, » plaisanta-t-elle. « D’ailleurs, cette petite réunion ne peut pas durer trop longtemps. J’ai un déjeuner prévu avec Ryan Seacrest juste après ça. »

« Je ne sais pas de qui tu parles. »

Kate haussa les épaules. L’humour n’avait jamais vraiment fait partie de leur relation.

« Je ne vais pas te mentir, » dit Duran. « La nouvelle a été plutôt bien accueillie. Tous les agents se sont envoyés des liens et des articles sur la mère miracle. »

« Tu sais, je n’ai donné que deux interviews. Je ne sais pas du tout comment ça a pu déboucher sur plus de quarante articles. »

« Sûrement les réseaux sociaux qui se sont emballés. Mais dis-moi… Est-ce que cette notoriété soudaine te ferait hésiter à retravailler pour le FBI ? »

Elle ne put s’empêcher de rire. « Non. S’il y avait quoi que ce soit qui pourrait me retenir de retravailler avec vous, ce ne serait certainement pas cette gloire éphémère. »

« Il y aurait donc certaines choses qui pourraient t’en empêcher ? »

« Éventuellement. Peut-être mon bébé, ou mon âge avancé. »

« Ça fait maintenant trois mois que tu es en congé, » dit-il. « Même un petit peu plus longtemps. J’imagine que je n’ai pas besoin de te préciser que tu ne rajeunis pas. Mais… tu es encore en pleine forme physiquement. C’est impressionnant. »

« Excuse-moi si je suis un peu directe, » dit Kate. « Mais qu’est-ce que tu veux exactement ? Est-ce que tu veux que je revienne travailler pour vous ? »

« Dans un monde parfait, oui. Ça a été mentionné à plusieurs reprises lors de réunions. Mais tous ces articles à ton sujet soulignent non seulement le fait que tu as accouché à cinquante-sept ans, mais aussi le fait que tu sois encore un agent actif du FBI. Je ne sais pas comment ça va se passer en termes médiatiques si tu retournes sur le terrain. »

Kate s’appuya contre le dossier de sa chaise. Elle n’avait pas pensé à ça.

« Pour être tout à fait franc, » continua Duran. « Oui, je veux que tu reviennes. Mais c’est un peu égoïste de ma part. Tu es l’un de nos meilleurs éléments et ce serait vraiment positif pour l’image du FBI. Les médias t’adorent. Tu es devenue une sorte de célébrité. Mais je n’ai pas non plus envie de t’influencer. Si tu veux arrêter, il n’y a pas de problème. Tout le monde comprendra. »

« Mais en fait, ça me manque, » dit Kate. Ce ne fut qu’au moment de prononcer ces mots qu’elle s’en rendit compte.

« Je m’en doutais un peu. Alors ce que je peux faire – en tout cas, pour les prochains mois – c’est de t’assigner des enquêtes pas trop risquées. Pour que tu gardes l’esprit occupé et que tu restes concentrée. Enfin… si tu penses avoir eu suffisamment de temps pour te reposer et si tu es prête à revenir travailler. »

« Oui, je suis prête, » dit-elle. L’idée de mettre Michael à la crèche lui faisait de la peine, mais elle savait que ce serait positif pour lui… ainsi que pour elle et pour Allen. Bien qu’au fond d’elle, elle ne soit pas vraiment sûre d’y être totalement préparée. Afin d’éviter de penser à tout ça, elle continua à parler. « Comment va DeMarco ? Je ne lui ai parlé que trois fois depuis que je suis partie et à chaque fois que je lui ai posé des questions sur le boulot, elle a changé de sujet de conversation. »

« C’est sûrement parce qu’elle a été très occupée. J’ai le droit de t’en parler parce que tu es encore techniquement sa coéquipière… mais elle a travaillé sur deux affaires assez importantes dernièrement. Il y a trois semaines, elle a arrêté deux hommes qui distribuaient de l’héroïne. Et la semaine dernière, elle a épinglé à elle toute seule un type qui a assassiné trois personnes en Virginie de l’Ouest avant de partir en cavale à travers le Maryland. »

« Ah oui… elle a vraiment été bien occupée ! »

« Et maintenant que tu mentionnes DeMarco, on vient juste de lui assigner une enquête en Caroline du Nord. Ça m’a l’air d’être une affaire assez simple. Deux jeunes filles universitaires assassinées. Sûrement l’œuvre d’un harceleur. Je suis sûr que DeMarco serait enchantée que tu te joignes à elle. Vu que l’affaire semble assez simple, ça pourrait être parfait pour toi, dans ta situation. »

« Et en quoi consiste ma situation, exactement ? »

« Kate, tu sais ce que je veux dire. Si tu veux te remettre dans le bain, c’est l’enquête parfaite pour le faire. Mais bien entendu, ça dépend totalement de toi. C’est toi qui choisis. »

« Ça me paraît une bonne idée, mais maintenant qu’elle s’en sort très bien toute seule, je n’ai pas non plus envie de la déranger. »

« Je suis sûr qu’elle sera ravie que tu te joignes à elle. Et pour être tout à fait honnête, vu qu’on ne sait pas combien de temps tu vas encore rester avec nous, c’est plus logique que tu travailles avec une coéquipière que tu connais bien. »

« Oui, c’est logique. »

Duran resta un moment silencieux, avant de se lever de sa chaise. « Elle part demain matin. Est-ce que ça te laisse assez de temps pour tout organiser avec ton mari ? Est-ce que vous en avez déjà parlé ? »

« Plus ou moins, » dit-elle. « Enfin… de manière tacite, mais l’idée est bien présente dans notre esprit. Je suis sûre qu’il sait que je n’en ai pas terminé avec le FBI, mais… »

« Mais quoi ? »

« Mais que ça ne va plus tarder. Que ma carrière au FBI touche à sa fin. »

Elle vit que Duran était sur le point de lui poser une autre question, mais il se ravisa. Elle savait ce que c’était, alors elle lui fut reconnaissante de ne pas la poser.

Est-ce que Г§a va ГЄtre la derniГЁre enquГЄte de ta carriГЁreВ ?

Elle était contente qu’il ne lui ait pas demandé, parce qu’elle ne savait pas du tout quelle était la réponse à cette question.


***

Ce fut leur seul sujet de conversation au dîner. Allen le prit plutôt bien, car il s’y attendait. Dès le moment où Duran avait appelé Kate, il avait su. La conversation s’était étonnamment bien passée, bien qu’une certaine tension persiste entre eux.

« Il faut que je te dise quelque chose, » dit Allen, en écartant son assiette vide. Il avait préparé du poulet teriyaki pour dîner et le repas avait été excellent. La cuisine était l’une de ses nombreuses qualités. « Je suis vraiment ravi à l’idée que tu retournes travailler. Ça a vraiment été pénible pour moi de voir dans quel état tu étais le mois dernier. On aurait dit que tu avais perdu quelque chose et que tu ne savais pas où chercher. Je sais que le boulot te manque et je suis ravi que tu puisses travailler sur cette enquête. Mais j’ai tout de même quelques questions. »

« Je m’en doute, » dit Kate. « Alors, passons-les en revue. »

« OK ! Bien que je sois presque à la retraite, je dois encore répondre à des appels et assister à des réunions au cours de l’année à venir. Et je ne veux pas que ton boulot passe avant le mien. Il faut aussi qu’on cherche une crèche pour Michael. »

« Je suis tout à fait d’accord. Maintenant, dans le cas de cette enquête, est-ce que tu es disponible pour t’occuper de Michael pendant quelques jours ? »

« Oui. En fait, je n’ai rien de prévu pour les trois semaines à venir. »

« Et ça ne te dérange pas de t’occuper tout seul de lui pendant ces quelques jours ? »

« Pas du tout. Ça va être amusant de se retrouver entre hommes. »

« Quelles autres questions voulais-tu me poser ? »

« Je pensais à ta sécurité. Je sais que tu peux te défendre et c’est l’une des raisons pour laquelle je t’aime autant. Mais je n’aime pas beaucoup l’idée que ma femme de cinquante-sept ans soit occupée à pourchasser des hommes qui ont moitié son âge. Tu n’es pas vraiment le genre d’agents à rester assise derrière un bureau ou dans une voiture. »

« On en a parlé avec Duran. Cette affaire devrait être assez simple. Il a également pris en compte le facteur âge, bien qu’il en ait parlé en termes un peu plus agréables. »

« Une dernière question. » Allen s’appuya contre le dossier de sa chaise et but une gorgée de son vin. Il regarda en direction de la balancelle où Michael s’était endormi pendant qu’ils dînaient. « Combien de temps vas-tu encore continuer ? Franchement ? Le fait de mettre un bébé au monde a dû également puiser dans tes réserves d’énergie. »

« C’est une question difficile, » dit-elle. « Toute cette situation… je n’aurais jamais pu l’imaginer. Un bébé à cinquante-sept ans. Un supérieur et une coéquipière qui veulent que je continue à travailler. Je ne m’y attendais pas du tout et… je ne sais pas. Et probablement que je ne le saurai pas tant que je ne serai pas retournée sur le terrain. »

Elle le vit réfléchir à ce qu’elle venait de lui dire. Le côté droit de sa bouche se retroussa légèrement.

« Alors, c’est sûrement mieux que tu y retournes, » dit-il. « En tout cas… pour l’instant. On en reparlera dans trois mois. Est-ce que ça te paraît raisonnable ? »

« Plus que raisonnable. »

Elle eut envie de lui dire combien il avait été adorable et arrangeant tout au long de leur relation. Mais il le savait déjà, parce qu’elle le lui répétait continuellement. Elle savait qu’elle donnait l’impression de faire passer son boulot avant lui et, pour être tout à fait honnête, c’était exactement ce qu’elle avait fait. Mais maintenant, ils avaient un bébé et un mariage se profilait à l’horizon. C’était ça, sa vie, maintenant. Sa nouvelle vie. Et elle avait enfin l’occasion de ne pas laisser son boulot tout contrôler. C’était ce qu’elle avait fait dans le passé et elle avait failli creuser un fossé entre elle et Mélissa.

Elle sut tout de suite que quelque chose avait changé. Dans le passé, elle n’aurait pas perdu une minute – elle se serait directement levée de table et elle aurait commencé à préparer ses affaires pour son départ en Caroline du Nord. Mais maintenant, après la réunion avec Duran et la conversation avec Allen, tout ce dont elle avait envie, c’était de rester assise à ses côtés. C’était lui, son avenir. Pas son boulot. Allen, Michael et Mélissa étaient son point d’ancrage.

Tout ce qu’elle devait faire, c’était s’assurer que sa tête suive pour parvenir à s’installer dans cette vie aux allures si parfaites.

Et à l’instant présent, alors qu’elle était assise à côté d’Allen, sa vie lui paraissait de fait plutôt magique.




CHAPITRE QUATRE


Quand Kate et DeMarco se retrouvèrent dans le parking du FBI, Kate eut l’impression qu’elles s’étaient vues la veille. Elle remarqua néanmoins qu’il y avait quelque chose de différent chez DeMarco et ça n’avait rien à voir avec son apparence. Physiquement, elle était toujours la même que la dernière fois qu’elles s’étaient vues, six mois plus tôt.

« Agent Wise, ça me fait vraiment plaisir de te revoir, » dit DeMarco.

« Pareil pour moi. »

Elles se serrèrent brièvement dans les bras et ce fut à ce moment-là, au moment de cette démonstration rapide d’affection, que Kate se rendit compte que quelque chose avait changé chez DeMarco. C’était presque imperceptible, mais sa coéquipière avait l’air d’être une personne différente. Kate pensa d’abord qu’elle avait l’air plus âgée, mais ce n’était pas ça. C’était son attitude qui avait changé, la manière dont elle se tenait. Elle avait la tête haute et regardait droit devant elle, sans avoir besoin de quelqu’un pour la soutenir ou la guider. Dans ce sens, oui, DeMarco paraissait plus âgée. Vu qu’elle venait juste d’avoir un enfant, Kate y trouva une analogie plutôt appropriée : le changement de DeMarco ressemblait à celui qui s’opérait chez une femme encore jeune et naïve, qui viendrait juste d’avoir un bébé et qui serait désormais guidée par l’instinct maternel.

Une autre chose avait changé et c’était le lien qui les unissait. Kate l’avait remarqué dès le début – dès le moment où elles avaient jeté leurs sacs dans le coffre de la voiture qu’elles allaient conduire jusqu’en Caroline du Nord. Et ça n’avait rien de négatif. Elles étaient toutes les deux ravies de se revoir, et encore plus de retravailler ensemble sur une affaire après plus de six mois. Mais il y avait un changement au niveau du leadership. DeMarco n’était plus la subordonnée qui prenait exemple sur Kate et suivait chacune de ses recommandations. DeMarco avait beaucoup plus confiance en elle. Elle était un agent à l’avenir prometteur, capable d’élucider des enquêtes par elle-même.

Rien n’avait été dit – que ce soit par DeMarco ou Duran – mais Kate sut tout de suite que DeMarco était la personne responsable de cette enquête. Et franchement, ça ne la dérangeait pas. En fait, elle trouvait ça plutôt même normal.

Elles passèrent la majorité du voyage à se donner des nouvelles concernant leur vie. Elles avaient six heures devant elle pour le faire et ça passa trop vite. Kate lui parla de Michael et combien c’était bizarre d’avoir un fils plus jeune que sa propre petite-fille. Elle lui raconta qu’elle avait essayé de rester active et de garder l’esprit vif, alors que tout son univers tournait autour des biberons, des langes et du manque de sommeil.

À son tour, DeMarco lui raconta ce qu’elle avait fait ces derniers mois. Elle ne s’épancha pas sur sa vie privée et se limita à mentionner qu’elle avait une nouvelle petite amie et que son père avait eu peur d’avoir le cancer. Mais elle parla davantage de son boulot. Quand elle commença à en raconter les moments les plus forts, elle le fit presque d’un air gêné.

« Ne sois pas timide, » dit Kate. « Duran m’a raconté que tu étais devenue une crack, surtout au cours des dernières semaines. Maintenant… quand il dit que tu as épinglé à toi toute seule cet assassin, qu’est-ce qu’il veut dire par là, exactement ? »

« Tu veux vraiment que je te raconte l’histoire ? » Elle avait l’air surprise mais aussi un peu excitée.

« Bien sûr que je veux que tu me la racontes ! »

« Eh bien, je ne voudrais pas avoir l’air de me vanter. Mais oui… ce type avait assassiné un couple marié dans l’état de New York, puis il avait essayé de tuer et de voler quelqu’un d’autre à Washington. On a découvert qu’il était ici et une chasse à l’homme a été lancée. Je n’étais pas responsable de l’enquête, mais l’agent qui s’en occupait a eu la grippe et j’ai repris l’affaire. J’ai fini par coincer l’assassin et l’un de ses amis dans cette vieille maison, tout près de Georgetown. J’ai dû tirer sur l’ami. La balle l’a atteint au genou gauche. Quant à l’assassin, ce fut une véritable lutte à mort. Je lui ai accidentellement disloqué la hanche et fracturé le poignet. »

« Accidentellement disloqué la hanche ? » demanda Kate, en riant.

« Oui, accidentellement. De plus… il était stone. J’ai découvert plus tard qu’il avait pris une drogue psychédélique. S’il avait été conscient et qu’il avait compris ce qui se passait, les choses auraient pu se terminer de manière très différente. »

« Mais quand même… c’est incroyable. Peut-être que c’est juste la toute nouvelle maman qui parle, mais je suis vraiment fière de toi. »

« Comment ça, la toute nouvelle maman ? Mais toi, tu es la mère miracle ! »

Elles se mirent à rire et cette bonne humeur les accompagna durant tout le reste du voyage. Elles ne virent pas le temps passer jusqu’à la petite ville de Harper Hills. Mais ce sentiment de passation de pouvoir était néanmoins incontestable. Kate l’acceptait sans problème. Elle regarda DeMarco garer leur voiture sur le parking du commissariat et ouvrir avec empressement la portière du côté conducteur.


***

L’intérieur du commissariat de Harper Hills faisait penser à ce que devait ressembler un commissariat dans une série télé des années 80. Et pas l’une de ces séries qui avaient lieu à New York ou à Los Angeles. Non, c’était un endroit qui aurait très bien pu passer dans un film de Hallmark, où le détective était également un super cuisinier ou un auteur de livres pour enfants. Il y avait une entrée centrale qui faisait office de vestibule. Au-delà de ça, il y avait trois bureaux, dont un seul était occupé. Derrière ces bureaux, il y avait un étroit couloir et rien de plus.

Au seul bureau occupГ©, Г©tait assis un homme obГЁse avec une coupe mulet, ce qui en rajoutait encore un peu plus Г  la sensation annГ©es 80. Il leur fit un geste de la tГЄte et se leva rapidement de son siГЁge. Sur le badge accrochГ© Г  sa poitrine Г©tait Г©crit le nom de Smith.

« Vous devez être les agents, » dit Smith, en se précipitant vers le vestibule pour les accueillir.

Kate resta légèrement en retrait, pour que DeMarco comprenne qu’elle lui laissait la parole.

« Oui, c’est nous, » dit DeMarco. « Agents DeMarco et Wise. Est-ce que le shérif Gates est là ? »

« Oui, il est dans son bureau. » Smith leur fit signe de le suivre. Il les précéda dans le couloir et il s’arrêta devant la première porte à droite. « Shérif ? » dit-il, en frappant à l’embrasure de la porte ouverte. « Les agents du FBI sont arrivés. »

« Venez, entrez ! » répondit une voix.

DeMarco entra en premier, suivie par Kate. Le shérif se leva de sa chaise, la main tendue pour les saluer. Ils se serrèrent la main et le shérif les regarda droit dans les yeux, d’une manière qui semblait leur dire qu’il n’avait aucun problème avec le fait de travailler avec des femmes, mais qu’il allait sûrement les traiter avec la bonne vieille hospitalité des gens du Sud.

« Shérif, » dit Kate, « je pensais que le commissariat serait en effervescence, étant donné la nature de cette affaire. »

« Eh bien, c’était le cas il y a peu. La police d’état est arrivée et deux de mes hommes sont partis avec eux. Ils sont occupés à boucler certaines des routes secondaires. Il y en a beaucoup dans le coin, vous savez. Je suis resté au commissariat pour vous accueillir. »

« C’est gentil de votre part, » dit DeMarco. « Qu’est-ce que vous pouvez nous dire concernant cette affaire ? On nous a fait un briefing à Washington, mais je préférerais l’entendre directement depuis la source. »

« Eh bien, il y a eu deux meurtres dans une ville qui n’a connu qu’un seul homicide en dix ans. Les deux victimes étaient de jeunes femmes – dix-neuf et vingt ans. La première a été tuée il y a cinq jours, sur le parking d’un bowling. La deuxième victime a été retrouvée hier matin sur le porche de la maison de sa mère. À première vue, il n’y a aucun lien entre les deux filles. Leur seul point commun, c’est leur âge et le fait qu’elles soient toutes les deux originaires du coin. La deuxième victime, Kayla Peterson, était en visite pour quelques jours. Elle étudie à l’université. »

« Une université de Caroline du Nord ? » demanda DeMarco.

« Non, quelque part en Floride. »

« Est-ce qu’il y a des similarités entres les familles des deux victimes ? » demanda Kate.

« Leur seul point commun, c’est d’être des filles de couples divorcés. On a parlé avec tous les membres directs de la famille et ils ont tous un alibi. Mais bien entendu, libre à vous de les interroger à nouveau. »

« Merci, » dit DeMarco. « Est-ce que vous pourriez nous emmener à l’endroit où la deuxième victime a été retrouvée ? »

« Oui, bien sûr. »

Gates enfila une veste et sortit du bureau. Kate trouvait vraiment que l’attitude de DeMarco avait changé. C’était à peine perceptible, mais c’était bien présent. Elle était plus sûre d’elle. Elle l’avait remarqué dans la manière qu’elle avait eue de parler au shérif. Et c’était également visible dans la façon qu’elle avait eue de le suivre, mais en passant devant Kate.

Elle est encore si jeune, pensa Kate. Г‡a va vraiment ГЄtre un agent exceptionnel.

Elle était vraiment contente d’être à nouveau aux côtés de DeMarco. Et elle était heureuse de pouvoir travailler sur cette affaire, bien qu’elle soit maintenant certaine que ce serait probablement l’une de ses dernières enquêtes.


***

En se rendant vers la derniГЁre scГЁne de crime, ils traversГЁrent presque toute la ville de Harper Hills. Il y avait quatre feux rouges dans la ville et trГЁs peu de commerces. Elles virent un Burger King et un Subway, tous les deux situГ©s le long de la petite et tranquille rue principale. Vers le bout de la rue, Gates tourna sur une route secondaire et DeMarco le suivit de prГЁs.

Ils se retrouvèrent très vite sur une autre route de campagne, et encore une autre. C’était une région un peu bizarre. Kate avait déjà vu de nombreuses petites villes de province disposées de la même manière, mais Harper Hills ressemblait plutôt à un lotissement rural, niché dans les plaines boisées de Caroline du Nord. Le quartier dans lequel ils arrivèrent était constitué d’un ensemble de terrains boisés, séparés par d’épais bosquets d’arbres.

Gates s’engagea sur une allée en graviers et DeMarco le suivit. Il y avait une autre voiture garée dans l’allée. DeMarco se gara derrière Gates et ils sortirent tous de voiture.

« Voici la maison des Peterson, » dit Gates. « La mère, Sandra, est actuellement chez une amie, près de Cape Fear. Elle ne pouvait pas supporter de rester ici et je comprends. Elle était vraiment anéantie. »

Puis il tendit une enveloppe à DeMarco, qui la prit, l’ouvrit et regarda à l’intérieur. Kate jeta un coup d’œil par-dessus son épaule et vit qu’il s’agissait des dossiers de l’enquête. Elles avaient reçu la majorité de ces dossiers en format numérique à Washington, mais pas tous. Kate jetait toujours un coup d’œil aux dossiers sur papier, même quand elle les avait reçus en version digitale. Le fait de voir tous ces éléments sur papier – et surtout les photos de la scène de crime – rendait l’affaire encore plus présente.

« Est-ce que vous êtes le premier à être arrivé sur les lieux ? » demanda DeMarco.

« Non, Smith est arrivé en premier. Mais je le suivais de près. »

« Est-ce que vous pouvez m’expliquer ce que vous avez vu ? »

Kate aimait beaucoup cette approche. Plutôt que de feuilleter directement les dossiers, DeMarco voulait s’assurer de visualiser la scène, telle qu’elle s’était déroulée le matin où le corps avait été retrouvé. Les photos et les rapports étaient des outils précieux, mais c’était rarement aussi utile que d’entendre le récit des événements de la bouche de ceux qui étaient arrivés les premiers sur les lieux.

« D’après la mère, Kayla Peterson était rentrée à la maison pour le mariage d’une amie. Elle est sortie avec quelques amis avant-hier soir et le lendemain matin, elle n’était pas dans sa chambre. Mais sa voiture était garée dans l’allée. Quand la mère a ouvert la porte pour aller jeter un coup d’œil à la voiture, elle a retrouvé Kayla morte sur le porche. Elle avait eu le temps d’introduire sa clé dans la serrure, avant que l’assassin l’attaque. La clé pendait encore à la porte quand nous sommes arrivés. En voyant le corps, il était évident qu’elle avait été étranglée. »

« Est-ce qu’elle était entièrement habillée ? » demanda Kate.

« Oui. Le médecin légiste nous a dit qu’il n’y avait aucune indication qu’elle ait été violée ou sexuellement agressée. On dirait que le meurtre était la seule chose qui intéressait le tueur. Même chose avec la première victime. »

« Est-ce que le médecin légiste sait ce qui a été utilisé pour l’étrangler ? » demanda DeMarco.

« Il pense que c’est une sorte de câble, probablement en plastique. Et il a mis beaucoup de force pour l’étrangler. Le médecin légiste pense que le tueur doit être assez fort. »

« C’est la voiture de Kayla qui se trouve dans l’allée ? » demanda DeMarco, en montrant la seule voiture garée devant la maison.

« Oui. » Il fouilla dans sa poche et en sortit un porte-clés. Il le tendit à DeMarco et dit, « Vous pouvez aller y jeter un coup d’œil, si vous voulez. »

Ils redescendirent les marches du porche et se dirigèrent vers l’allée. Kayla conduisait une Kia Optima 2017. Elle ressemblait en tous points à la voiture typique d’une universitaire : propre, un bâton de rouge à lèvres sur la console, une bouteille d’eau à moitié vide et un chargeur de téléphone. À part ça, il n’y avait rien d’autre d’intéressant – en tout cas, rien qui pourrait leur permettre de savoir qui l’avait suivie ce soir-là.

Une fois qu’elles eurent terminé d’inspecter la voiture, Gates leur ouvrit la porte d’entrée. Il leur expliqua que Sandra lui avait donné les clés de la maison avant de quitter la ville, pour qu’il puisse y jeter un coup d’œil.

« Est-ce qu’elle pourrait être soupçonnée du meurtre ? » demanda Kate.

« Même si je pensais que ça pouvait être le cas – et je ne le pense pas – ça n’expliquerait pas la première victime. »

« C’était trois jours avant Kayla, c’est bien ça ? » demanda DeMarco.

« C’est exactement ça. Bien qu’il soit impossible d’être totalement certain qu’elle n’a rien à voir avec tout ça, j’ai interrogé chacune des personnes qui se trouvaient au bowling quand il a fermé. Pas une seule m’a dit y avoir vu Sandra Peterson. Une femme savait exactement de qui je voulais parler et elle a même trouvé scandaleux que je pose la question. De plus… je reviens sur ce que le médecin légiste a dit. Celui qui a étranglé Kayla Peterson était vraiment très fort. Et si vous finissez par rencontrer Sandra Peterson, vous verrez tout de suite que ça ne colle pas. Elle est vraiment famélique. Elle a perdu beaucoup de poids quand son mari est parti. Et pas en faisant de l’exercice. Elle a presque l’air de souffrir de malnutrition. »

Kate et DeMarco jetèrent un coup d’œil dans la chambre de Kayla. Elles y virent des vestiges de l’adolescente qu’elle avait été : des autocollants de Hannah Montana collés sur le côté de la commode et des traces plus claires aux endroits sur les murs où des posters avaient été accrochés. Elles trouvèrent deux sacs au pied du lit. L’un d’entre eux était visiblement destiné à ce dont elle allait avoir besoin pour le mariage. Il était rempli de jolis vêtements, de maquillage et de notes pour un discours. L’autre sac était beaucoup plus informel et contenait des vêtements, un livre de poche et un nécessaire de toilette. Mais rien qui puisse les aider dans leur enquête.

« Avez-vous parlé aux amies avec lesquelles elle est sortie le soir où elle a été assassinée ? » demanda DeMarco.

« À toutes, sauf une. Apparemment, elles étaient quatre en tout, en comptant Kayla. »

« J’aimerais leur parler, » dit DeMarco. Elle se tourna ensuite vers Kate, comme si elle cherchait son approbation. Kate se contenta de hocher légèrement la tête, mais elle apprécia le fait que DeMarco lui demande son avis.

« On est lundi après-midi, alors elles sont sûrement au travail. Je pourrais passer quelques coups de fil et leur demander de venir au commissariat. »

« Et pourquoi pas dans un bar ou dans une cafétéria ? » demanda DeMarco.

Gates eut l’air surpris, mais il hocha lentement la tête. « Oui, il y a bien l’un ou l’autre bar en ville. En fait, juste à côté. Je suis presque sûr que certaines de ces filles fréquentent l’un d’entre eux, Chez Esther. Je peux leur demander de vous y retrouver à dix-huit heures. »

« Assurez-vous de bien leur dire que ce n’est pas une option, » dit DeMarco. « Si elles ne viennent pas, on ira chez elles. »

Kate sourit. Ce n’était pas le chemin qu’elle aurait emprunté, mais il pouvait s’avérer efficace. Elle savait ce que DeMarco pensait. En général, quand on interrogeait des témoins en-dehors d’un commissariat ou du confort de leur maison, le flux de conversation avait tendance a être plus naturel. Mais Kate ne privilégiait pas cette approche, car la possibilité de distraction était trop grande. Mais c’était l’enquête de DeMarco et elle allait la laisser la mener à sa manière.

Ils sortirent tous les trois de la maison et au moment oГ№ ils arrivГЁrent Г  leur voiture respective, le shГ©rif Gates Г©tait dГ©jГ  au tГ©lГ©phone, occupГ© Г  organiser la rГ©union.

« Je me demande pourquoi il a laissé la mère partir comme ça, » dit DeMarco, en entrant en voiture.

« Elle vient juste de perdre sa fille. À moins qu’il y ait le moindre indice qui permette de la soupçonner, ça ne vaut pas la peine de lui faire vivre tout ça. De plus, elle n’a aucun ami, ni aucun membre de la famille dans le coin. Et la famille et les amis, c’est exactement ce dont elle a besoin en ce moment. »

DeMarco eut un petit rire. « Mon dieu, comme tu m’as manqué, Kate. Je commençais à ne plus prendre en compte les émotions des gens quand il s’agissait d’une enquête. »

« Ça arrive souvent, » dit Kate. « Après un moment, on commence par ne plus considérer les gens qu’on rencontre comme de vraies personnes. On a juste un puzzle à résoudre et ils ne sont que les éléments qui vont nous permettre de le faire. C’est une façon merdique de penser, mais ça arrive à tous les agents à un moment ou à un autre. »

« J’ai du mal à t’imaginer te comporter comme ça. »

Demande à Mélissa, pensa-t-elle. Elle te racontera comment j’ai pu faire passer mon travail avant toute autre chose.

En pensant à ça, des larmes lui vinrent aux yeux. Elle les essuya discrètement. C’était un autre rappel que lui lançait la vie. Oui, elle avait été une mère lamentable avec Mélissa, en faisant généralement passer son travail avant elle.

Et elle se retrouvait au même point, mais vingt ans plus tard et avec Michael. Elle avait l’occasion de faire les choses correctement, cette fois-ci.

Et une fois que tout ça serait terminé, elle sut que c’était ce qu’elle allait faire.




CHAPITRE CINQ


Le bar n’en était pas vraiment un. C’était plutôt un coin pour prendre un verre à l’intérieur d’un snack. Il y avait un jeu de fléchettes et même une sorte de jukebox, mais le snack en lui-même était la raison d’être de l’endroit. La zone du bar était à l’arrière, comme si le propriétaire cherchait à le dissimuler. Mais quand Kate et DeMarco y entrèrent à 17h45 pour rencontrer les amies de Kayla Peterson, ça leur parut un endroit plutôt agréable – bien que légèrement démodé.

Trois jeunes femmes étaient assises dans le box du fond. Kate vit tout de suite qu’aucune d’entre elles ne buvait de l’alcool, sûrement parce qu’elles avaient moins de vingt et un ans. Deux d’entre elles buvaient de l’eau, tandis que la troisième avait commandé un Sprite. Les trois filles remarquèrent tout de suite les agents du FBI. Elles n’avaient pas l’air effrayées en soi, mais certainement un peu nerveuses. Kate se demanda combien de temps il leur faudrait après l’interrogatoire pour essayer de se procurer de l’alcool par des moyens illicites.

DeMarco prit la parole dès qu’elles s’approchèrent de la table. « Est-ce que vous êtes bien Claire Lee, Tabby Amos et Olivia Macintyre ? »

« Oui, c’est nous, » dit la fille qui était assise au milieu. Elle avait de magnifiques cheveux roux et une silhouette élancée. Elle se leva pour leur tendre la main. « Je suis Tabitha Amos, » dit-elle. « Mais tout le monde m’appelle Tabby. »

« Et moi, c’est Claire Lee, » dit la fille sur la gauche. Elle était également très jolie, mais de manière plus ordinaire. Elle portait un sweat à capuche dans lequel elle avait l’air à l’aise. Elle n’était visiblement pas le genre de fille à ressentir le besoin d’être sur son trente et un à chaque fois qu’elle sortait de chez elle.

« Ce qui fait de moi Olivia Macintyre, » dit la dernière fille. Elle avait des cheveux blond foncé qui avaient presque l’air bruns sous l’éclairage tamisé du bar. Elle portait des lunettes élégantes et elle avait un air un peu timide.

« Nous sommes les agents DeMarco et Wise, » dit DeMarco. Elle montra discrètement son badge, en s’approchant de la table. « Est-ce qu’on peut se joindre à vous ? »

Les trois filles se serrèrent un peu pour laisser de la place à Kate et à DeMarco. Au moment où elles s’assirent, une serveuse s’approcha d’elles pour prendre leur commande. Elles commandèrent de l’eau et, vu qu’elles n’avaient pas eu le temps de déjeuner, elles prirent un cheeseburger à emporter. Les filles eurent l’air un peu surprises et Kate sut tout de suite que DeMarco avait eu raison de décider de les retrouver ici.

« J’imagine que le shérif Gates vous a déjà prévenues, » dit DeMarco, « mais nous voudrions vous parler de Kayla Peterson. Et tout particulièrement de cette dernière soirée que vous avez passée ensemble. »

Les filles se regardèrent d’un air triste. Elles étaient visiblement bouleversées par ce qui était arrivé, mais elles paraissaient avoir les idées claires. Kate ne fut pas surprise de constater que Tabby Amos était la porte-parole du groupe. C’était celle qui avait l’air la plus sûre d’elle. Elle avait également été la première à se lever pour se présenter.

« Eh bien, c’était mon idée. On était très proches au lycée. Puis Kayla et Claire sont parties à l’université et on ne se voyait presque plus. La dernière fois qu’on s’est vues, c’était à Noël dernier… c’est la dernière fois qu’on s’est retrouvées toutes les quatre ensemble. J’ai pensé que ce serait chouette de se revoir avant le mariage. »

« Quel jour a lieu le mariage ? » demanda Kate.

« Samedi prochain, » dit Olivia.

« Qui se marie ? »

« Mon frère, » dit Olivia.

« C’était un peu notre grand frère à nous toutes quand on était au lycée, » dit Tabby. « Il prenait toujours notre défense si certains types insistaient pour sortir avec nous, alors qu’on leur avait dit non. »

« Je suis l’une des demoiselles d’honneur, » dit Olivia. « Et bien entendu, j’ai invité toutes mes amies. »

« Mais on s’est dit que ce serait stupide de faire une soirée le jour avant le mariage, » dit Tabby. « Alors, on a décidé de se voir samedi soir. »

« Qu’est-ce que vous avez fait ? » demanda DeMarco.

« On est resté chez moi, » dit Claire. « Enfin… chez mes parents. Mais ils étaient partis pour le weekend. Ils savaient que j’avais envie de voir mes amies et ça ne leur posait aucun problème qu’elles viennent chez nous. On a regardé des films, on a bu du vin et on a mangé des pizzas. »

« Est-ce que vous êtes sorties à un moment ou à un autre ? »

« Je suis sortie avec Kayla pour aller acheter du vin au magasin de Glensville, » dit Olivia.

« Où se trouve Glensville ? »

« À une vingtaine de minutes de Harper Hills. »

« Et vous ne pouviez pas acheter du vin ici ? » demanda Kate.

« Non, » dit Tabby. « On a moins de vingt et un ans et tout le monde se connait dans cette ville. »

« Oui, » dit Olivia. « En plus, il y a ce type à Glensville avec lequel je sortais. Il a quelques années de plus que moi et il connaît le gérant du magasin de Glensville. » Elle s’arrêta un instant, avant d’ajouter : « Merde. Ils ne vont pas avoir des ennuis, j’espère ? »

« Ils devraient, » dit DeMarco. « Mais c’est un détail par rapport à l’affaire qui nous occupe. Maintenant… est-ce qu’il s’est passé quoi que ce soit de spécial à Glensville ? »

« Rien, » dit Olivia. « On est entrées, on a acheté trois bouteilles de vin et on est parties. »

« Est-ce qu’il y a eu des tensions avec votre ancien petit-ami ? »

« Non. On s’est à peine parlé. Il était accompagné de sa nouvelle petite-amie, de toute façon. Il avait l’air plutôt pressé de partir. »

« Est-ce que l’une d’entre vous a bu un peu de trop ce soir-là ? » demanda Kate.

« Toutes les quatre, » dit Tabby. « J’étais un peu fâchée quand j’ai remarqué que Kayla était partie. La maison de sa mère ne se trouve qu’à dix minutes de celle des parents de Claire, mais tout de même… C’était irresponsable de sa part de conduire en ayant bu. Mais après ça, j’ai appris qu’elle avait été tuée et… »

« Qu’est-ce que vous voulez dire par quand j’ai remarqué que Kayla était partie ? » demanda DeMarco.

« Eh bien, vers minuit, Claire a sorti les bouteilles d’alcool de ses parents, » dit Tabby. « On a bu un peu de trop et j’ai sombré vers une heure du matin. »

« Et moi, je me suis effondrée peu après, » dit Claire.

« Oui, » ajouta Olivia. « Moi et Kayla, on était les dernières à tenir le coup. Mais je ne pense pas qu’elle ait bu un seul verre d’alcool fort. Bien sûr, elle était un peu pompette, mais elle n’était pas morte saoule. En tout cas, pas quand j’ai fini par sombrer. »

« Alors vous pensez qu’en voyant que tout le monde s’était endormi, elle a tout simplement décidé de rentrer chez elle ? » demanda DeMarco.

« Oui, c’est ce qu’on a pensé, » dit Claire.

« Et elle ne vous a pas envoyé de message au moment de partir ? » demanda Kate. « Elle ne vous a pas laissé de mot ? »

« Non, rien, » dit Olivia.

« J’ai pensé qu’elle était peut-être mal à l’aise, » dit Tabby. « Elle n’a jamais été une grande buveuse et je ne pense pas que ça ait changé avec l’université. Ou peut-être qu’elle était juste gênée de se retrouver avec des amies qui avaient décidé de ne pas faire d’études et de rester à Harper Hills. Je ne sais pas. »

« Est-ce que vous avez trouvé qu’elle se comportait de manière différente ? » demanda Kate.

« Non, et c’est ça le plus bizarre, » dit Claire. « C’était la même Kayla de toujours. Avec l’esprit ouvert, sincère. C’était comme si rien n’avait changé depuis le lycée. »

DeMarco posa encore quelques questions sur les conversations qu’elles avaient eues ce soir-là. Pendant ce temps-là, Kate observa le comportement et l’attitude des trois filles. Elle n’avait aucune raison de penser qu’elles lui cachaient quelque chose, mais son attention fut tout de même attirée par le comportement d’Olivia. Elle avait l’air nerveuse et légèrement agitée.

Il n’y a qu’elle qui s’est retrouvée seule avec Kayla le soir où elle est morte, pensa Kate. Peut-être qu’elle pourrait nous fournir davantage d’informations si les deux autres filles n’étaient pas là.

La serveuse leur apporta leurs hamburgers et DeMarco posa une dernière question, avant de donner à chacune d’entre elles une carte de visite, en leur disant de l’appeler si elles se rappelaient quoi que ce soit.

« Qu’est-ce que tu en penses ? » demanda DeMarco à Kate, au moment où elles se dirigeaient vers leur voiture.

« Je pense qu’Olivia nous en aurait dit plus, si ses amies n’avaient pas été là. Elle avait l’air nerveuse. Et c’est la seule à avoir passé du temps en tête à tête avec Kayla. »

« Tu penses qu’il est arrivé quelque chose quand elles sont parties acheter les bouteilles de vin ? »

« Je ne sais pas. Mais même si ce n’est pas le cas, peut-être qu’elles ont parlé de quelque chose qui pourrait avoir un lien avec ce qui lui est arrivé par la suite. Ce ne sont que des spéculations, mais… »

« Non, j’ai aussi remarqué qu’elle avait l’air un peu mal à l’aise. »

La nuit était occupée à tomber et, bien que la journée ait été longue, Kate savait qu’elle n’était pas encore terminée. DeMarco avait toujours été un oiseau de nuit et elle avait pour habitude de travailler jusqu’à des heures tardives.

Et ce n’était pas plus mal. Parce qu’au fur et à mesure que cette journée avançait, Kate était de plus en plus certaine que ça allait probablement être sa dernière enquête. Et si c’était le cas, elle comptait bien se donner à fond.




CHAPITRE SIX


DeMarco faisait tout son possible pour ne pas trop réfléchir. Mais il fallait aussi qu’elle soit honnête avec elle-même. Pendant un bref instant, elle avait été légèrement agacée quand Duran lui avait dit que Kate la rejoindrait sur cette affaire. Mais la déception avait très vite fait place à de la joie. Sa collaboration avec Kate Wise avait commencé comme une sorte d’apprentissage. Mais au fur et à mesure qu’elles avaient appris à se connaître, ça s’était transformé en amitié. Mais il n’empêche que DeMarco avait toujours eu la sensation d’être un agent débutant… quelqu’un qui apprenait les ficelles du métier, en espérant impressionner Kate tout en développant ses propres compétences.

DeMarco savait que c’était son enquête. Kate l’avait rejoint à la dernière minute et elle faisait tout son possible pour rester en retrait. Bien que DeMarco apprécie ce geste, ça la mettait mal à l’aise. Kate était une meneuse née et ça faisait bizarre qu’elle lui laisse le contrôle.

DeMarco se demanda ce qui pouvait bien se passer dans la tête de sa coéquipière. Comment est-ce que Kate voyait sa carrière, maintenant qu’elle était devenue cette fameuse Mère miracle et qu’elle était revenue travailler ?

DeMarco n’en était pas tout à fait sûre, mais elle avait l’impression qu’elle en saurait plus dès que cette affaire serait résolue. Mais bien entendu, il fallait d’abord la résoudre.

Elle se gara sur le parking du Bowling Larry à 18h15. Le parking était presque vide et baigné d’une lueur rouge venant du néon de l’enseigne. DeMarco se gara tout près de l’entrée. Elle ne savait pas exactement où le corps de la première victime avait été retrouvé. Au moment où elle entra dans le bowling en compagnie de Kate, DeMarco se remémora le contenu du rapport, qu’elle avait mémorisé la veille, avant d’aller se coucher.

La victime s’appelait Mariah Ogden et elle avait dix-neuf ans. Elle avait été retrouvée par le propriétaire du bowling à 22h40, mercredi soir. Elle gisait sur le sol, derrière sa voiture. Le rapport du médecin légiste mentionnait des hématomes au niveau de son cou et une pression importante appliquée au niveau de sa trachée. Mariah, tout comme Kayla, avait été étranglée par quelqu’un qui semblait avoir beaucoup de force. Pour l’instant, il n’y avait aucune piste et personne n’avait vu ce qui s’était passé.

DeMarco et Kate s’approchèrent du comptoir de location de chaussures, où un homme d’une soixantaine d’années se tenait devant une petite télé. Il avait l’air de s’ennuyer. En jetant un coup d’œil aux quinze pistes derrière elle, DeMarco constata que seules deux d’entre elles étaient occupées – l’une par cinq femmes d’âge mûr et l’autre, tout au bout de la salle, par un homme seul.

L’homme qui se trouvait derrière le comptoir les salua d’un signe de tête, en les regardant d’un air bizarre. Sur le badge accroché à sa chemise, il était écrit LARRY. « Je peux vous aider ? »

DeMarco prit les devants, avant qu’une gêne s’installe entre elle et Kate. Elle montra son badge et dit, « Agents DeMarco et Wise du FBI. Nous voudrions vous poser quelques questions concernant Mariah Ogden. »

« J’ai déjà dit à la police tout ce que je savais, » dit Larry. « Mais si ça peut vous aider à retrouver le type qui assassine ces jeunes filles, je veux bien tout vous répéter. »

« Vous avez parlé de filles au pluriel, » dit Kate. « Est-ce que ça veut dire que vous êtes au courant concernant la deuxième victime ? »

« Ce genre de nouvelles se propage très vite dans une ville aussi petite. Oui… Kayla Peterson, c’est bien ça ? Elle était rentrée pour un mariage, d’après ce qu’on m’a dit. »

« Larry, pouvez-vous nous raconter comment vous avez découvert le corps de Mariah ? » demanda DeMarco.

« J’avais fermé le bowling. Je suis sorti en direction de mon pickup et j’ai vu qu’il y avait encore une voiture garée sur le parking, tout au bout. Il arrive parfois que des adolescents trainent un peu plus longtemps sur le parking, après avoir joué au bowling. Alors je suis allé voir ce qui se passait. Je me suis dit que quelqu’un avait peut-être laissé sa voiture là pour partir avec un ami. Mais quand je suis arrivé plus près, j’ai vu une basket. Puis j’ai vu une jambe. C’était Mariah Ogden… couchée sur le sol, derrière sa voiture. »

« Elle était déjà morte ? »

« Oui, mais la mort ne devait pas remonter à très longtemps. J’ai entendu dire qu’elle avait des hématomes au niveau du cou. Mais je ne les ai pas vus au moment où j’ai découvert son corps. »

« Est-ce qu’elle était venue jouer au bowling ce soir-là ? »

« Non, pas ce soir-là. Mais elle venait de temps en temps avec ses amis. »

Il allait ajouter quelque chose, mais il fut interrompu par le bruit de quilles et des cris de joie venant du groupe de femmes. Quand le bruit se fut un peu calmГ©, Larry se remit Г  parler.

« C’était une fille vraiment charmante. Polie et bien élevée. »

« Est-ce que vous connaissez certains des amis avec lesquels elle avait l’habitude de venir ? » demanda DeMarco.

« Non, pas vraiment. Mais vous pouvez peut-être lui demander, à lui. » Il fit un geste de la tête en direction de l’homme qui jouait tout seul, au fond de la salle.

« Qui est-ce ? »

« Il s’appelle Dwayne Patterson. Il accompagnait parfois le groupe avec lequel Mariah venait jouer. Un garçon un peu timide. Il vient souvent, parfois tout seul, mais il arrive de temps en temps qu’il se joigne à d’autres groupes. Je n’en suis pas tout à fait sûr, mais la manière dont il regardait parfois Mariah et comment il riait à chacune de ses blagues… j’ai l’impression qu’il avait un faible pour elle. »

« Merci, Larry, » dit Kate.

Il leur fit un clin d’œil et elles partirent en direction de la piste qui se trouvait tout au fond à gauche. Au moment où elles s’approchaient, elles virent Dwayne Patterson faire tomber 7 quilles d’un coup. Il pencha la tête sur le côté, comme s’il avait espéré un autre résultat et s’approcha de la machine pour récupérer sa boule. Alors qu’il l’attendait, il vit DeMarco et Kate s’approcher de lui. Il était clair qu’elles venaient lui parler et il eut soudain l’air d’un animal pris au piège.

« Monsieur Patterson, » dit DeMarco, en s’approchant de lui. « Larry nous a dit que vous pourriez peut-être nous fournir des informations concernant Mariah Ogden. »

Patterson se demandait visiblement s’il devait avoir peur ou pas. Il les regarda d’un air sceptique et demanda : « Et qui êtes-vous, au juste ? »

Cette fois-ci, DeMarco et Kate sortirent leur badge en même temps, comme si c’était un tour de passe-passe. « Agents DeMarco et Wise, du FBI. Est-ce que vous pourriez répondre à nos questions de manière un peu plus agréable ? »

Patterson s’assit lentement derrière la machine qui enregistrait les scores. « Désolé. Je ne savais pas. Hum… oui, bien sûr, je la connaissais. Mais pas spécialement super bien. »

« Quel âge avez-vous, monsieur Patterson ? » demanda Kate.

« Dix-neuf ans. »

« Est-ce que vous étiez ami avec Mariah ? »

« Oui. On est amis depuis le lycée. Mais pas non plus des super amis, vous voyez ? »

« Oui, bien sûr, » dit Kate. « Qu’en est-il de mercredi soir ? Est-ce que vous l’avez vue ce soir-là ? »

« Oui, c’est le soir où elle est morte. J’étais ici, je jouais au bowling avec un ami. Quand on est parti, j’ai vu que Mariah était sur le parking avec quelques-uns de ses amis. »

« C’était quelque chose qu’elle faisait souvent ? »

« Pas souvent, non. Mais de temps en temps. Il n’y a pas grand-chose d’autre à faire dans le coin, vous savez ? »

DeMarco voyait très bien ce qu’il voulait dire. Elle avait grandi dans une petite ville où la seule chose à faire le soir, c’était trainer sur le parking du supermarché, à fumer des cigarettes et à se bécoter.

« Est-ce que vous les avez rejoints ? » demanda DeMarco.

« Juste pendant un moment. J’ai ramené mon ami chez lui, puis je suis repassé pour voir si tout allait bien. »

« Comment ça, pour voir si tout allait bien ? » demanda Kate.

Patterson fronça les sourcils, en ayant l’impression de s’aventurer sur un terrain dangereux. Il fit de son mieux pour essayer de s’expliquer. Il y avait de la nervosité dans sa voix, mais aussi autre chose. Des regrets, peut-être ? DeMarco n’en était pas tout à fait sûre.

« Eh bien, elle était avec ses amis de toujours… ceux qu’elle avait au lycée. Et aussi une nouvelle fille, qu’elle avait rencontrée à l’université de Charlotte. Mais il y avait également cet autre type avec eux. Un type que j’avais déjà vu et qui… je ne sais pas… que j’ai toujours eu tendance à essayer d’éviter. Je suis revenu un peu plus tard pour voir s’il était encore là. »

« Pourquoi est-ce que vous évitiez ce type ? » demanda DeMarco.

« Il y a quelque chose de malsain en lui. C’est le genre de type qui traîne sur le parking du lycée, alors que ça fait des années qu’il en est sorti. Il doit avoir au moins vingt-cinq ans. »

« Et quel âge ont les amies de Mariah ? »

« Entre dix-neuf et vingt et un ans. Au risque d’avoir l’air d’avoir des préjugés, ce type, c’est un peu un ringard. En tout cas… ce soir-là, il était visiblement saoul. Il parlait fort et il était un peu agressif, vous voyez ? »

« Quel est le nom de ce type ? » demanda Kate.

« Est-ce qu’il va savoir que c’est moi qui vous ai parlé de lui ? »

« Non, ce n’est pas nécessaire qu’il le sache. »

« Il s’appelle Jamie Griles. » Il y avait maintenant de la colère dans sa voix. « Beaucoup pensent qu’il va aux fêtes de lycée pour saouler les filles et coucher avec elles. Alors quand je l’ai vu traîner avec Mariah et ses amies, ça m’a paru vraiment glauque. »

« Et est-ce qu’il était toujours sur le parking quand vous êtes revenu ? »

« Non, il était déjà parti. Une des amies de Mariah a dit qu’il y avait une fête quelque part et elle a même plaisanté en disant que Jamie y était parti parce qu’il y avait des filles plus jeunes là-bas. »

В« Jamie Griles est un gars du coinВ ?В В» demanda DeMarco.

« Oui. Il est né et il a grandi ici. Et c’est sûrement ici qu’il finira sa vie. C’est typique de ce genre de ringard. » Patterson eut un petit rire et secoua la tête. « Enfin, c’est un garagiste de dix-neuf ans qui joue tout seul au bowling un lundi soir qui vous le dit. »

« Avez-vous parlé à la police ? »

« Non. Personne n’est venu me poser de questions. Comme je vous l’ai dit… on n’était pas non plus très proches. Je suis juste… un type qui la connaissait. »

À la manière dont il avait dit ça, DeMarco sut que Larry avait probablement raison. Dwayne Patterson avait sûrement des sentiments pour Mariah Ogden. Elle se demanda s’il le lui avait dit. Elle n’avait pas l’impression que c’était le cas – il avait sûrement gardé ses sentiments pour lui.

« Vous n’avez pas pensé à parler de Jamie Griles à la police ? » demanda Kate.

« Eh bien, je n’ai jamais pensé qu’il pourrait être l’assassin. Oui, c’est un ringard et un type un peu glauque, mais je ne pense pas qu’il soit capable d’un meurtre. »

« Vous avez dit qu’il parlait fort et qu’il était un peu agressif, » dit DeMarco. « Est-ce que vous savez s’il était agacé par quelqu’un en particulier ? »

« Aucune idée. »

DeMarco regarda autour d’elle, comme si elle cherchait d’autres questions à lui poser. Quand il fut clair qu’ils en avaient terminé, elle lui tendit une de ses cartes de visite. « N’hésitez pas à nous appeler si vous vous rappelez quoi que ce soit qui pourrait nous être utile. »

« Je le ferai, » dit Patterson, en mettant la carte de visite en poche. « Merci. »

Son merci était un peu bizarre, mais DeMarco pouvait voir à l’air résigné qu’il avait sur le visage qu’il était content d’avoir pu les aider, même si c’était avec un détail minime. Au moment où DeMarco et Kate tournèrent les talons, il reprit sa boule en main pour essayer de faire tomber les trois quilles qui lui restaient.




CHAPITRE SEPT


« Tu penses qu’il est trop tard pour faire une dernière visite ? » demanda DeMarco.

Kate se mit à rire, en accrochant sa ceinture de sécurité. Dès que Dwayne Patterson avait mentionné le nom de Jamie Griles, elle avait su qu’elles allaient lui rendre visite avant de terminer leur journée. Elle enviait l’énergie de DeMarco et elle comprenait pourquoi elle commençait à se forger une vraie réputation au sein du FBI.

« Pas pour quelqu’un qui vit comme Jamie Griles, » dit Kate. « J’imagine que c’est à lui que tu veux rendre visite ? »

« Je me suis dit que ça en vaudrait peut-être la peine. Après tout, il n’est même pas encore dix-neuf heures. »

« J’appelle Gates et je lui demande son adresse. »

Kate appela Gates, mais il n’était pas au commissariat. Son appel fut directement redirigé vers le bureau de Smith, qui eut l’air ravi de pouvoir l’aider. Il lui fournit l’adresse de Griles en moins de vingt secondes.

Au moment où Kate introduisait l’adresse dans son GPS, son téléphone se mit à sonner. C’était Gates qui la rappelait.

« Est-ce que je peux vous demander pourquoi Griles vous intéresse ? » demanda Gates.

« On a appris qu’il trainait avec Mariah Ogden et ses amies le soir où elle a été tuée. Apparemment, il avait bu et il était plutôt animé. »

« Il faut que je vous prévienne que c’est un crétin de la pire espèce. Mais je ne le vois pas capable de commettre un meurtre. »

« C’est ce qu’on nous a dit. Maintenant, qu’est-ce que vous entendez par crétin de la pire espèce ? »

« Je l’ai arrêté au moins trois fois au cours des dernières années. Pour des trucs insignifiants, la plupart du temps. Conduite en état d’ivresse, trouble de l’ordre public lors d’une bagarre Chez Esther. Et j’imagine que vous êtes déjà au courant, mais il aime impressionner les filles plus jeunes que lui… et il leur achète souvent de l’alcool. On n’a pas encore pu l’arrêter pour ça, mais tout le monde est au courant. »

« Oui, on en a entendu parler. »

« N’hésitez pas à m’appeler si vous avez besoin d’aide. »

Kate raccrocha, en se demandant s’il se pourrait que Griles soit une piste plus intéressante que prévu. Elle regarda l’adresse qu’elle avait introduite dans son GPS et elle vit qu’il vivait à seulement seize minutes du bowling.

« Tu penses que l’assassin pourrait être un ex-petit ami qui se serait senti rejeté ou délaissé ? » demanda DeMarco, en roulant en direction de l’adresse.

« Dans une petite ville comme celle-ci, c’est la première chose à laquelle je penserais, » dit Kate. « Mais tant qu’on n’aura pas trouvé de lien concret entre les deux filles, ça va être difficile à prouver. C’est la raison pour laquelle j’aurais aimé que la mère de Kayla soit encore en ville. »

« Peut-être qu’on pourrait l’appeler demain, » dit DeMarco. Mais c’était plus une question qu’une affirmation – c’était une manière voilée de demander : Est-ce qu’on serait vraiment des monstres si on dérangeait une mère en plein deuil ?

« Si on n’a rien de neuf d’ici là, il est possible qu’on n’ait pas d’autre choix, » dit Kate.

« Le truc qui me chipote vraiment, c’est l’endroit où Kayla Peterson a été tuée. Juste devant chez elle. Elle a même eu le temps d’insérer la clé dans la serrure. Comme si le type l’accompagnait. »

« Peut-être qu’elle essayait de le faire entrer en douce chez sa mère ? » dit Kate.

« Peut-être. »

« Il y a également une autre possibilité. Peut-être qu’il était là, à l’attendre. »

DeMarco hocha la tête d’un air grave. « Aucun de ces scénarios n’est particulièrement plaisant. »

Pendant que DeMarco roulait en direction de l’adresse qu’on leur avait donnée, Kate jeta un coup d’œil à l’iPad sur lequel DeMarco avait téléchargé tous les dossiers de l’enquête. Pour l’instant, il n’y avait pas grand-chose et Kate se mit à résumer à voix haute les différents éléments dont elles disposaient.

« Les deux victimes étaient dans le même lycée, » dit Kate, en lisant les notes. « Mais dans une petite ville comme celle-ci, ce n’est pas tellement surprenant. »

« Mais elles n’étaient pas dans la même université, » dit DeMarco. « Kayla Peterson est partie étudier en Floride, tandis que Mariah Ogden est restée en Caroline du Nord, à Charlotte. »

« Ce serait intéressant de savoir si Jamie Griles connaissait Kayla. Si c’est le cas, ce serait le seul véritable lien entre elles. »

« Et ce ne serait pas une bonne nouvelle pour Griles, » dit DeMarco.

Ce fut la dernière phrase qu’elles échangèrent. Kate était sûre que DeMarco devait être aussi excitée qu’elle. Elles étaient en route pour interroger leur première piste concrète et c’était toujours un moment particulier. Kate le savourait pleinement. Mais alors qu’elles roulaient à travers la nuit, elle se rendit également compte combien Michael lui manquait.

Elle ressentit à nouveau cette sensation désagréable d’être une mauvaise mère, d’avoir abandonné sa famille. C’était plus que la culpabilité d’une mère qui retournerait travailler après son congé de maternité. C’était une culpabilité qui lui venait du passé, une douleur qu’elle avait déjà ressentie et qu’elle pensait avoir réussi à surmonter.

Et cette douleur… elle était vive. Elle la ressentait à travers tout son être. Peut-être que c’était effectivement là, sa dernière enquête.

Peut-être qu’elle ne devrait même pas être là.


***

Elles passèrent le reste du trajet en silence. Quand elles arrivèrent chez Jamie Griles, elles virent qu’il s’agissait d’une sorte de quadruplex. Ça ressemblait à une grande maison, qui aurait été divisée en quatre appartement différents. Chaque appartement avait sa propre boîte aux lettres à l’entrée du parking. Kate vit que l’appartement de J. GRILES était le numéro 3.

DeMarco se gara à côté d’un vieux pickup GMC, qui était garé légèrement de travers devant le troisième appartement. Au moment où elles sortirent de voiture, Kate entendit de la musique venant d’une stéréo dans l’un des appartements. Elle fut plutôt fière d’elle, en reconnaissant le morceau comme étant Battery de Metallica. Mélissa avait eu sa période Metallica dans sa jeunesse et elle avait été plutôt surprise de se rendre compte que sa mère n’avait pas détesté.

Au moment où elles s’approchèrent de la porte où était accroché le chiffre 3, Kate se rendit compte que la musique ne venait pas de l’intérieur. Mais il y avait bien quelqu’un : une lumière tamisée filtrait par la fenêtre, bloquée par des stores légèrement de travers. Elles arrivèrent sur le porche et DeMarco frappa à la porte.

« Oui ! » répondit une voix venant de l’intérieur. « Une minute ! »

Il y eut un léger branle-bas de combat à l’intérieur, puis la porte s’ouvrit. Jamie Griles était un homme de taille moyenne. Ses cheveux noirs étaient relevés dans un style qui rappelait celui d’Elvis et ils étaient maintenus en place par une sorte de gel. Il avait de petits yeux et une mâchoire carrée recouverte d’une légère barbe. Il n’était pas vraiment beau, mais il attirait néanmoins le regard. Kate n’eut aucun mal à imaginer de jeunes filles impressionnables lui accorder de l’attention, en échange de quelques bières.

Il sourit en voyant les deux femmes et dit : « Est-ce que je peux vous aider, mesdames ? »

DeMarco fut apparemment vexée par la manière qu’il avait de les regarder. Quand elle sortit son badge, elle le lui jeta presque à la figure. « Agents DeMarco et Wise, du FBI. Vous êtes Jamie Griles ? »

« Oui, c’est moi, » dit-il. Son sourire avait disparu, remplacé par un air surpris. « Mais… le FBI ? Pourquoi ? »

« Nous enquêtons sur une affaire ici, à Harper Hills, et nous aimerions vous parler. »

Ses yeux allèrent de l’une à l’autre, comme s’il essayait de savoir s’il s’agissait d’une blague. Vu qu’il n’avait apparemment aucune intention de les inviter à entrer, Kate fit un pas en avant. « Monsieur Griles, est-ce qu’on peut entrer ? »

« Euh… oui, bien sûr mais… pourquoi ? »

DeMarco le prit au mot et entra, en évitant de lui expliquer le but de leur visite. C’était une manière intelligente de faire, car Griles se serait sûrement mis sur la défensive s’il savait qu’elles venaient l’interroger au sujet de deux meurtres commis récemment dans la région.

Kate suivit DeMarco et entra dans un salon en dГ©sordre. Il y avait un match de baseball qui passait Г  la tГ©lГ©, contre le mur du fond. Il y avait une bouteille de whisky bon marchГ© posГ©e sur la table du salon et une cigarette qui brГ»lait dans le cendrier qui se trouvait juste Г  cГґtГ©.

DeMarco attaqua tout de suite, avant même que Griles ait le temps de refermer la porte. « Monsieur Griles, est-ce que vous avez une idée de la raison de notre visite ? »

« Non, » dit-il. Il était visiblement effrayé, mais il avait également l’air agacé. Il n’aimait pas beaucoup être interrogé – comme s’il n’était qu’un moins que rien. « Et je pense que c’est à vous de me le dire. »

C’était intéressant d’observer cet échange entre eux, ce jeu du chat et de la souris. DeMarco avait essayé de le piéger, mais Griles était parvenu à l’éviter. Kate aurait essayé exactement la même tactique. La question vague de DeMarco donnait l’occasion à Griles d’avouer qu’il achetait de l’alcool pour des mineures – et c’était une offense très sérieuse en Caroline du Nord. Mais Griles avait évité le coup et avait renvoyé la balle directement dans le camp de DeMarco.

« Monsieur Griles, c’est une petite ville, » dit DeMarco. « J’imagine que vous avez entendu parler des meurtres qui ont récemment été commis dans la région ? »

« Oui, bien sûr. »

« Vous connaissez le nom des victimes ? » demanda Kate.

« Oui, » dit-il. Il était visiblement très prudent dans ses réponses. Il était clair que ce n’était pas la première fois qu’il était interrogé. Kate le voyait très bien avoir ce genre d’échanges avec le shérif Gates.

« Vous pouvez me le dire, alors, » dit DeMarco.

« Pourquoi ? Vous êtes là parce que vous pensez que j’ai quelque chose à voir avec tout ça ? »

« Je n’ai rien dit de tel, » dit DeMarco. « Mais en enquêtant sur les meurtres, nous avons découvert que vous étiez avec un groupe de personnes qui sont les dernières à avoir vu l’une des victimes en vie. »

Griles hocha la tête et eut l’air légèrement soulagé. « Vous voulez parler de Mariah ? »

« Oui. Mariah Ogden. Nous avons un témoin qui vous a vu avec elle et un groupe de mineures, sur le parking du bowling Larry, le soir où elle est morte. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire à ce sujet ? »

« Qu’il y a des gens dans cette ville qui feraient mieux de se mêler de ce qui les regarde. »

« C’est dans vos habitudes de traîner avec des filles beaucoup plus jeunes que vous, monsieur Griles ? » demanda Kate.

« Ça m’arrive, » dit-il. « Mais c’est totalement consentant. Je ne suis pas une espèce de taré de violeur. »

« Notre témoin nous a dit que vous parliez fort et que vous aviez l’air un peu énervé ce soir-là, » dit DeMarco. « Est-ce que quelque chose vous avait dérangé ? »

« Non. Et je ne me souviens pas d’avoir parlé fort, ni d’être énervé. »

« Est-ce que vous aviez bu ? »

« Oui, un peu. »

« On nous a dit que vous aviez quitté le groupe pour aller ailleurs, » dit Kate. « Est-ce que vous pourriez nous dire exactement ce que vous avez fait, après être parti ? »

« Oui, je peux. Et j’ai quelques personnes qui peuvent le confirmer si… »

Il s’interrompit, s’assit dans un vieux fauteuil miteux et regarda les deux femmes comme si elles venaient de lui planter un couteau dans le dos.

« Il y a quelque chose qui ne va pas, monsieur Griles ? » demanda DeMarco.

« En fait, vous pensez vraiment que je suis un suspect. »

« Un homme qui est connu pour essayer d’impressionner des filles plus jeunes que lui et qui vient d’avouer qu’il se trouvait avec la victime d’un meurtre le soir même où elle a été tuée, » dit DeMarco. « Oui. N’importe quel agent digne de ce nom vous interrogerait. Alors, allez-y, racontez-moi ce que vous avez fait ce soir-là. »

Il prit la cigarette du cendrier, en inspira une bouffée et s’appuya contre le dossier de son fauteuil. « J’ai quitté le parking du bowling avec un ami à moi, Gary. On est allés Chez Esther pour prendre un verre et quelques ailes de poulet. Après ça, on est allés à une fête dans une maison privée. »

« C’était chez qui, cette fête ? » demanda Kate.

« Je ne connais même pas le type. C’est un mec en terminale au lycée… ses parents n’étaient pas là. »

« Est-ce que votre ami Gary est venu avec vous ? »

« Oui, Gary et un autre de mes amis. On y est allés tous les trois. C’est mon autre ami, Sammy, qui a conduit parce qu’il n’avait pas encore bu. »

« Combien de personnes se trouvaient à cette fête ? » demanda Kate.




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